Hans Zulliger : La psychanalyse à l’école
Bibliographie
École Émancipée n°34 du 24 mai 1931
Célestin FREINET


Hans Zulliger : La psychanalyse à l’école, I vol. de la collection Education (Flammarion édit.)


Ne vous laissez pas émouvoir par toutes les critiques, trop souvent aveugles, qu’on fait contre la psychanalyse. Malgré tout ce qu’on pourra vous dire de Freud et de ses confrères, soyez persuadés qu’il y a dans leurs théories une immense part de vérité que vous vous devez de rechercher et de connaître.
Il est certain, toutefois, que la psychanalyse a déjà acquis en éducation une place importante, nous allions dire prépondérante. Elle a attiré l’attention des psychologues, des pédagogues et des parents, sur l’importance déterminative des impressions qui commandent souvent le caractère et parfois la santé même au cours de toute une vie ; elle nous enseigne à ne considérer les manifestations enfantines que comme des éléments d’étude des personnalités ; elle nous prépare à tenir compte en éducation des forces subconscientes, souvent invisibles, sublimées ou dérivées, et qui sont cependant les véritables directrices vitales.
Le livre de Zulliger n’est cependant pas un bréviaire de la psychanalyse à l’école. Son but est seulement de nous en montrer la possibilité, l’importance et la nécessité. C’est à peine d’ailleurs si on peut parler d’analyses psychanalytiques pour ces expériences où le bon sens souvent plus que la méthode ont permis à l’auteur de découvrir les causes véritables de névroses et de défauts, et les ayant découvertes, d’opérer, de ce seul fait, des cures appréciables. Et ceci est peut-être à peine une faiblesse du livre puisque les réalisations de l’auteur nous en paraissent davantage à notre mesure et nous encouragent à l’imiter.

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Le chemin de la psychanalyse à l’école, c’est d’abord l’atmosphère de confiance réciproque qui doit pénétrer dans nos classes. Zulliger nous informe que, pour parvenir à une plus grande connaissance de ses élèves, il a su obtenir d’eux des rédactions sincères sur les sujets les plus délicats et que ces rédactions ont souvent été à l’origine des ses recherches psychanalytiques. Il cite d’ailleurs un certain nombre de textes ainsi obtenus.
Lisez comment l’auteur, par ses efforts psychanalytiques a guéri des indisciplinés, des jeunes fumeurs, des rapporteurs, des névrosés des enfants atteints de diarrhée nerveuse, ou manifestant un déséquilibre profond par une écriture tourmentée ou des absences anormales de mémoire. Vous aurez envie de l’imiter.
Comme tous les éducateurs qui font à l’enfant une confiance nouvelle et attachent à l’éducation une attention bien plus grande qu’à l’instruction, Zulliger constate que « les jugements de l’école, les classements qu’elle établit, sont faux, faux en ce sens qu’elle juge exclusivement le savoir. Mais ce n’est pas ce que demande la vie. Pour elle, tout est dans le pouvoir. ». « Aussi, la tâche suprême, la tâche sacrée du maître devrait-elle être sa mission d’éducateur : dégager, affranchir la personnalité des enfants de toutes les puissances hostiles qui entravent en eux l’épanouissement de la vie. »
Nous ajouterons que, par l’imprimerie à l’école engageant les enfants à s’exprimer sans fards, ni détours, nous atteignons en partie ce but ; nous libérons les forces psychiques ; nous créons de l’harmonie. Il nous suffirait de pousser plus avant l’analyse préconisée par Zulliger pour constater définitivement les cures merveilleuses que notre pratique a déjà amorcées.
C. Freinet