Freinet n'a pas
été gazé et n'a pas été
blessé à Verdun.
Freinet a été blessé le 23 octobre 1917 d'une
balle au poumon droit
au lieu-dit le moulin de Laffaux dans le bois des Gobineaux au
Chemin des Dames.
par Hervé Moullé
moulle@ecolebizu.org
Nous trouvons trop souvent dans de la documentation papier
et sur internet les affirmations fausses que Célestin
Freinet aurait été gazé ou blessé
à Verdun. Il s'avère nécessaire de dire la
vérité sur le drame vécu par Freinet en 1915
qui lui laissa des séquelles toute sa vie.
Freinet a été
blessé par une balle au poumon droit, au moulin de Laffaux
dans le bois des Gobineaux, au Chemin des Dames.
Il n'a pas été gazé et cela n'est par
arrivé à Verdun.
Des sites reprennent parfois la même information
erronée, y compris sur Freinet.org, en voici quelques
exemples.
Des sites affirment que
Freinet a été gazé:
Pendant la Première Guerre mondiale Freinet est
gazé, de retour au village il passera un an en
convalescence. Les habitants le voient souvent déambuler un
livre à la main, dans la rue principale et les escaliers du
village , sa longue et fine silhouette couverte d'une ample cape
noire. Il gardera des séquelles de ses blessures toute sa
vie.
http://david.fremlin.de/wexler/PplxS.html
Il a été gazé pendant la guerre et parle
encore difficilement. Cette infirmité est à
l'origine de ses recherches. Contraint de se taire en classe, il
se dit qu'il faut amener les enfants à s'occuper tout
seuls.
Bien que gazé pendant la guerre il désirait plus que
tout pratiquer son métier.
Il débute sa carrière d'enseignant à
Bar-sur-Loup dans son département natal, en 1920,
après avoir été gazé pendant la
première guerre mondiale.
http://desette.free.fr/pmev/list0436.htm
La dimension ergonomique est déjà présente
elle aussi chez Freinet, dont la pédagogie a quelque chose
à voir avec le fait qu'il avait été
gazé
http://www.ac-grenoble.fr/occe26/peda/meirieu.htm
Il avait été gazé pendant la guerre et il ne
pouvait assumer des cours magistraux en restant debout pendant 6
heures par jour. C'est ce qui lui a fait dire plus tard que
grâce à ce qu'il avait subi pendant la guerre de
1914, il avait découvert que tout ce qui handicape
l'activité du maître, favorise l'activité de
l'élève.
http://www.ulg.ac.be/lem/stylesapprent.htm
Rappelons-nous Celestin Freinet, qui revenu de la guerre 14-18
gazé, a tout à fait rénové la
pédagogie de l’enseignement fondamental parce
qu’il était incapable de tenir de long discours.
http://www.restode.cfwb.be/download/infoped/info40a.pdf
page 5: Rappelons-nous Célestin Freinet, qui revenu de la
guerre 14-18 gazé, a tout à fait
rénové la pédagogie de l'enseignement
fondamental parce qu'il était incapable de tenir de long
discours.
http://www.aqpc.qc.ca/revue/pc_v13n1_99/pc_v13n1_99_extraits.pdf (lien mort)
page 27: Gazé au cours de la Première Guerre
mondiale, il souffre d’un handicap qui affecte sa voix. Il
est alors dans l’obligation d’adapter son
métier d’instituteur à cette limitation.
http://www.fedecegeps.qc.ca/qui_sommes_nous/carrefour_pdf/06-11-08-09-texte.pdf (lien mort)
page 2: Gazé au cours de la Première Guerre
mondiale, il souffre d'un handicap qui affecte sa voix. Il est
alors dans l'obligation d'adapter son métier d'instituteur
à cette limitation.
http://www.ulg.ac.be/geoeco/lmg/competences/chantier/eleves/lem_art2.html
Rappelons-nous Celestin Freinet, qui revenu de la guerre 14-18
gazé, a tout à fait rénové la
pédagogie de l'enseignement fondamental parce qu'il
était incapable de tenir de long discours.
D'autres sites
affirment que Freinet est tombé à
Verdun:
http://classedu.free.fr/classfreinet.htm (lien mort)
Il fit la guerre de 1914-1918 où, jeune officier, il
fut très grièvement blessé devant Verdun
http://www.paris.iufm.fr/consulter/acces_sites/cpe/IMG/rtf/doc-14.rtf
Il a été profondément marqué
– et physiquement puisqu’il a été
blessé à Verdun – par la première
Guerre mondiale
http://freinet44.free.fr/Biogfrei.htm
Elève du cours complémentaire de Grasse et de
l'école normale de Nice, sa première classe fut la
guerre de 14-18 où, jeune officier, il fut très
grièvement bles
Rétablissons la vérité avec des extraits
d'ouvrages de Célestin Freinet, Madeleine Freinet et Michel
Barré.
de Célestin
Freinet:
Ma belle canne en serpent que j’avais coupée à
Vrigny, je l’ai perdue. Je la cherche
désespérément, pressentant l’immense
malheur... Oh ! J’en suis sûr, si je
l’avais retrouvée, je serais encore comme vous, et je
chanterais et je rirais... je ne serais pas un pauvre
mutilé.
Je marchais droit devant ma ligne de tirailleurs, regardant, sur
la côte en face, monter le 2e bataillon,
précédé du feu roulant.
Un coup de fouet indicible en travers des reins: «Pauvre
vieux... c’est ta faute... Il ne fallait pas rester
devant... tu n’aurais pas reçu ce coup de
baïonnette.» J’ai ri - je croyais qu’un
soldat m’avait piqué par inadvertance, et je voulais
l’excuser - j’aurais voulu cacher ma douleur... je
suis tombé... Qu’elle était bête cette
balle!
Par le milieu du dos, le sang gicle... Ma vie part avec... je vois
la mort s’avancer au galop... Je n'ai pas voulu
m'évanouir et je ne me suis pas évanoui... j'ai
voulu me lever: j'ai rassemblé toutes mes forces; je n'ai
pas bouger... Ma poitrine est serrée dans un
étau.
Couché sur le brancard, j'ai senti qu'il pleuvait.
L'aéro de la mission rasait le sol. Mon casque est
tombé.
Le médecin de bataillon est tout rouge de sang - un
boucher. Dans le trou où j'attends un autre crie... on
vient... Oh! que de blessés!...
Je grogne. Les Allemands (affectés au service sanitaire)
qui me portent s'arrêtent. Ils cherchent des épingles
anglaises pour me couvrir de deux capotes... Ils me remportent le
plus doucement possible.
Des tanks énormes vont à la bataille. Un
blessé léger s'en va clopin-clopant vers
l'arrière... que je l'envie!...
Me voilà revenu à mon point de départ,
à 1500 mètres du nouveau front. Que suis-je
allé faire là-bas?
chapitre
II page 18
dans
"Touché! Souvenirs d'un blessé de guerre" par
Célestin Freinet, livre republié en 1996 par
Madeleine Freinet à l'Atelier du Gué.
L'Educateur n°5 de novembre 1966 et le bulletin des Amis
de Freinet n°12 de 1972 ont publié des textes extraits
de "Touché".
de
Célestin Freinet:
Nous avions parcouru 200 mètres et nous atteignons des
grottes d'où sortaient, bras en l'air, des groupes
d'Allemands prisonniers.
Tout d'un coup, j'ai reçu dans les reins comme un grand
coup de bâton et je me suis écroulé. Le sang
coulait, chaud dans mon dos. On dégrafe mes habits, on
prend mon pansement qu'on applique sur la plaie et on me
dépose dans un trou d'obus où j'ai attendu
longtemps, longtemps, une éternité.
Un médecin est venu, a regardé ma blessure et a
épinglé à ma capote une fiche
d'évacuation. Ma poitrine est serrée comme dans un
étau. Je ne peux ni crier, ni appeler.
Des prisonniers allemands arrivent, me placent sur un brancard, me
chargent sur leurs épaules et me transportent vers
l'arrière.
Ils s'arrêtaient de temps en temps pour me recouvrir d'une
capote et vérifier si j'étais mort.
page 21
dans la BT 403
"Combattant de la guerre de 1914-1918" par Célestin
Freinet.
de Madeleine
Freinet:
Aux Armées, octobre 1917. Certificat de visite / Aspirant
Freinet Célestin, du 140 d'infanterie 2e Cie / sera admis
à l'hôpital étant atteint de plaie par balle
le 23.10.17 à Laffaux, du fait des opérations de
guerre. / Balle / Apophyse sur (ou sous) épineuse droite /
Tissus mous/ Os fracturé 8e côte plèvre.
Complications et opérations pratiquées: HOE 16/2
page 51
dans
"Elise et célestin Freinet Souvenirs de notre vie" par
Madeleine Freinet publié chez Stock en
1997
Quand on a fait l'attaque j'avais une canne en serpent. Je la
considérais comme une sorte de fétiche.
Arrivé au bois des Gobineaux je l'avais levée une
fois pour frapper un boche prisonnier. J'ai senti que
c'était mal. Elle s'est abattue sans force et l'a tout
juste effleuré.
Quelques instants après je l'ai oublée dans un
coin.
6 mai. Gars. Hier j'ai reçu ma citation au régiment
et maintenant je suis content: Jeune aspirant qui s'est
vaillamment comporté au combat du 23 octobre 1917.
Très grièvement blessé en enlevant la
position ennemie à la tête de sa section.
page 55
dans "Elise et
célestin Freinet Souvenirs de notre vie" par Madeleine
Freinet publié chez Stock en 1997
de Michel
Barré:
En octobre 1914, la guerre écourte son séjour
à l'école normale. La consigne ministérielle
a été donnée de remplacer certains
instituteurs mobilisés par des normaliens en
dernière année d'études. Célestin
Freinet est donc nommé à l'école de
Saint-Cézaire, à l'ouest de Grasse (il a tout juste
18 ans). Six mois plus tard, le 15 avril 1915, il est
lui-même mobilisé, après avoir obtenu en mars
le Certificat de Fin d'Études Normales.
Sur sa vie au front, deux sources d'informations sont
données par Freinet lui-même: la B.T. 403 Combattant
de la Guerre de 1914-1918 dans laquelle il raconte aux enfants son
expérience personnelle de la guerre et un récit
écrit pendant sa convalescence, publié en 1920:
Touché! (souvenirs d'un blessé de guerre). De larges
extraits en ont été republiés après sa
mort dans L'Éducateur n' 5, nov. 1966.
Nous apprenons dans la B.T. que son baptême du feu date du 2
janvier 1916 dans le sud de l'Alsace, qu'il est aspirant et a la
responsabilité d'une quarantaine de soldats (il a eu 19
ans, deux mois et demi plus tôt). Pour les jeunes lecteurs,
Freinet décrit différents aspects de la vie des
tranchées.
C'est le 23 octobre 1917 qu'il est très grièvement
blessé. Une curieuse tradition orale situe
l'événement à Verdun, alors que
l'intéressé dit clairement que c'est au Chemin des
Dames, près de Soissons. Son dossier militaire
précise même: au moulin de Laffaux, lieu de multiples
affrontements, depuis les catastrophiques offensives Nivelle
d'avril 17 qui provoquèrent des mutineries.
Précisons que le roman de Barbusse: Le Feu, publié
en 1917, se situe dans le même secteur (il est
dédié à ses «camarades tombés
à Crouy et sur la cote 119»). Cette coïncidence
de lieu n'est peut-être pas étrangère à
la sympathie qui lia aussitôt les deux hommes après
cette guerre.
Dans «Touché!», Freinet raconte les circonstances
de sa blessure: Je marchais droit devant ma ligne de tirailleurs,
regardant, sur la côte en face, monter le 2 bataillon,
précédé du feu roulant. Un coup de fouet
indicible en travers des reins. «Pauvre vieux.., c'est ta
faute... Il ne fallait pas rester devant... Tu n'aurais pas
reçu ce coup de baïonnette». J'ai ri - je croyais
qu'un soldat m'avait piqué par inadvertance, et je voulais
l'excuser - J'aurais voulu cacher ma douleur.. je suis
tombé...
Qu'elle est bête cette balle! Par le milieu du dos, le sang
gicle... Ma vie part avec... Je vois la mort avancer au
galop...
Je n'ai pas voulu m'évanouir et je ne me suis pas
évanoui... J'ai voulu me lever: j'ai rassemblé
toutes mes forces, je n'ai pas bougé... Ma poitrine est
serrée dans un étau.
Couché sur le brancard, j'ai senti qu'il pleuvait. (...) Le
médecin du bataillon est tout rouge de sang - un boucher.
Dans le trou où j'attends un autre crie... On vient... Oh !
que de blessés !... Je grogne. Les Allemands qui me portent
s'arrêtent. Ils cherchent des épingles anglaises pour
me couvrir de deux capotes... Ils me remportent le plus doucement
possible.
Constat inscrit dans son dossier militaire: «L'aspirant
Freinet Célestin du 140e d'Infanterie, 2e compagnie, est
admis à l'hôpital, étant atteint de plaie
pénétrante du thorax par balle». Il faut
opérer car la balle, après avoir traversé le
poumon droit, s'est logée dans l'épaule. Le
récit continue après l'opération:
J'ai soif!... j'ai soif!
- Rien à boire, ça vous ferait mal.
Alors, j'ai revu la belle source de mon village qui
dégringole du rocher et qui suit le canal. Je me suis
couché à plat ventre; j'ai trempé mes
lèvres avides dans cette eau rédemptrice... Comme
c'est délicieux!... Jusqu'au matin, j'ai bu l'eau si claire
de notre source et elle ne m'a pas
désaltéré.
Pendant quelques jours, c'est le combat contre la mort:
Quelqu'un me parle d'une voix douce et lente. J'ouvre un instant
les yeux. une grosse tête encadrée d'une grosse barbe
se penche sur moi. On me frotte les mains, les yeux, les oreilles,
la bouche... Je baise un crucifix énorme et froid...
-Ah ! non !je ne veux pas mourir !... Ils sont fous de me donner
l'extrême onction !...
Et je me replonge dans mon éternelle inconscience qui est
déjà la mort. La sarabande infernale recommence dans
la poitrine et dans le crâne.
Vous tous, qui craignez la mort parce que vous vous figurez une
montagne de souffrances toujours plus atroces jusqu 'au moment
où vous vous sentirez devant le gouffre, remettez-vous...
C'est plus facile de mourir etje ne le redoute plus.
Heureusement le blessé est jeune (juste 21 ans), sain et
robuste, il échappe à la mort, à l'infection,
mais tous ceux qui auront, par la suite, l'occasion de voir
Freinet travailler au jardin, torse nu, seront frappés par
l'énorme cicatrice en creux qu'il a gardée à
la partie postérieure de la poitrine. Les
conséquences de sa blessure («séquelle de
pleurésie purulente, suite de la plaie
pénétrante du thorax; résection de 4 cm de la
9e côte droite ; vaste cicatrice ; rétraction
thoracique accentuée ; raideur articulaire de
l'épaule droite ») lui font attribuer un taux
d'invalidité de 70 %.
Alors commence une interminable convalescence. Il faut quitter
l'hôpital.
Je suis monté dans le train, et personne ne m'a
aidé... Personne ne m'a demandé si j'avais froid...
si je voulais boire... si je n'étais pas
fatigué.
Et plus rien. Ceux qui ne savent pas se taire parlent de cette
miss qui était si gentille.., de celle-là qui, un
jour... le docteur... le parc...
Malheureux compagnons, vous voyiez encore ce matin une
auréole de gloire. Non, nous ne sommes pas
«glorieux», nous sommes «pitoyables».
Elle ne reviendra plus ma jeunesse perdue. Les feuilles ont
poussé trop tôt cette année. (extraits de
« Touché! »)
C'est sur ce cri de désespoir que se termine le
récit. Mais le jeune paysan de Gars a acquis assez de force
de caractère pour ne pas céder à la
résignation. Il refuse d'être à jamais le
héros mutilé (avec Médaille militaire et
Croix de guerre, jamais arborées) à qui l'on
procurerait peut-être un emploi protégé, pas
trop fatigant. Il s'était préparé à
devenir instituteur, peu importe son état, il sera
instituteur. Il doit désormais porter témoignage
contre l'horreur de la tuerie qui ne profite qu'aux plus riches.
Il veut lutter contre le dressage et le conditionnement moral qui,
dès l'école, ont insidieusement
préparé les esprits à l'obéissance
aveugle et à la hargne belliciste.
pages 11 à 13 dans
"Célestin FREINET un éducateur pour notre temps" par
Michel Barré
Vous pouvez aussi consuler des documents qui évoquent un
lieutenant Freinet (s'agit-il de Célestin?), les lieux de
la blessure de Freinet: le moulin de Laffaux et le bois des
Gobineaux au Chemin des Dames.
http://perso.club-internet.fr/cecile_meunier/historiques/BCAP-023.pdf
http://perso.club-internet.fr/cecile_meunier/historiques/RAL-118.pdf
(liens morts)
Hervé Moullé
moulle@ecolebizu.org