La Pédagogie Freinet et son contenu social et politique
par Marcel Gouzil
bulletin des Amis de Freinet n°13 p 40 et 41


Dans le cadre des émissions télévisées "Dossiers de l’Écran", la projection du film L’École Buissonnière" a été suivie d'un débat. Le thème fixé était “l’École Communale" et malgré les efforts de nos deux amis invités à prendre la parole, il a été difficile de faire apparaître l'oeuvre de Freinet, support du film.

Tout le monde était resté sur sa faim, nous avons cru devoir apporter une précision dans la Presse Locale et faire apparaître Freinet sous son véritable visage.

Nous tenons à le dire aussi à nos collègues enseignants et aux parents de nos élèves. Nourri de Montaigne, Rousseau, Pestalozzi, fréquentant les grands pédagogues suisses Ferrière et Dottrens, assistant à toutes les rencontres internationales des mouvements d'éducation nouvelle en Allemagne, Angleterre, Autriche, Danemark, Espagne, Freinet pensa intensément la pédagogie qu'il allait, à partir de 1923 faire connaître au monde.

Adhérent au parti communiste, son premier geste est de se rendre en 1925 en URSS où pendant un mois et en compagnie de camarades du syndicat révolutionnaire, il enquête.

Il revient enthousiasmé et dans l'École Émancipée, qui lui prêtait, à cette époque généreusement l'hospitalité de ses colonnes, il analyse la pédagogie nouvelle soviétique dont le peuple avait tant besoin.

Toute sa vie, malgré les ennuis et les tracasseries, Freinet resta fidèle à l'idéal de sa jeunesse.

Et ce que le film, qui n'eut pas l'accord de Freinet à 100%, ne souligne pas, c'est l'aspect révolutionnaire de la pédagogie de Freinet que certains voudraient adapter.

La pédagogie Freinet ne s'adapte pas. Elle est l'expression concrète d'un acte de foi en la libération de l'enfant "Voir dans l'enfant, l'homme de demain" dit Freinet.

Elle veut des hommes debout et non agenouillés et c'est par l'ouverture sur la vie, la connaissance du milieu, le contact avec ses semblables que l'enfant deviendra l'homme capable de prendre son destin en mains.

Celui qui ne réalise pas la mission que nous a fixée la pédagogie Freinet n'a rien de commun avec nous. Son enseignement, honnête certes, aura de très lointaines ressemblances avec ce que nous recherchons et ne modifiera en rien la structure politique et sociale de notre pays.

Si l'administration ne s'élève pas ouvertement contre nous, c’est qu'elle connaît notre force et notre rayonnement pédagogique dont nous jouissons dans un pays qui se cherche. A ceux qui l'ignoreraient, je dis que pour discrètes, les sanctions continuent à pleuvoir; hier c'étaient les collègues de Douvres, aujourd'hui c'est notre camarade Hurst, accusé, après avoir eu un rapport élogieux, d'être incapable de réussir en 6ème moderne et envoyé en 6ème pratique.

Et, on s'étonne que de plus en plus, du primaire au supérieur on refuse l'inspection.

Il nous faut des "hommes debout et non agenouillés" disait-il souvent.

"L'éducation donnée suivant ses principes visait à la libération de l'enfant qu'elle préparait à jouer son rôle dans la société qui devait être modifiée".

"Issu d’une famille pauvre, Freinet ne renia jamais ses origines et toute sa vie fut consacrée à l'enfance prolétarienne: il le manifesta particulièrement lors de la guerre d'Espagne en recueillant de nombreux enfants. Et c'est à lui que l'on doit la Charte des Enfants qu'il rédigea avec Barbusse".

Ces précisions aident à mieux comprendre les obstacles qui se dressent encore devant la pédagogie Freinet, dans la mesure où elle ne se limite pas à la mise en oeuvre des techniques, mais vise à une transformation radicale de l'éducation par la finalité libératrice qu'elle lui assigne.

Pour le Groupe 44 des "Amis de Freinet" c'est en vérité cet aspect de "Vieux lutteur révolutionnaire qu'il convient de préserver dans le grand pédagogue, afin de lui épargner une quelconque momification dans un panthéon bien bourgeois".

"Au départ, dit Jean Le Gal, la pédagogie de Freinet était au seul bénéfice des enfants du peuple. Elle s'est traduite par l'épanouissement des enfants. Les bourgeois, eux aussi, ont voulu que leurs enfants s'épanouissent à l'école. D'où la récupération des techniques. En fait, les vrais héritiers de Freinet ne peuvent pas, ne pas demeurer en conflit avec les pouvoirs.

La libération de l'enfant, pour eux, balaie tous les sujets tabous: la sexualité ou la politique, et ne s'arrête pas aux limites de l'école.

Ce militant Freinet d’aujourd'hui est celui qui prend aussi des responsabilités dans les luttes sociales, les conflits internationaux ou des Comités de quartier".

Interview accordée aux journalistes nantais de:
L'Éclair de Nantes
La Résistance de l'Ouest
L'Ouest France