Réponse de Paul à une lettre envoyée par une classe de CE1 de l'école Léon Grimault qui partait sur ses traces à la découverte du quartier.

Paul Le Bohec, 17 février 1990
5 rue des Camélias
35520 La Mézière
Chers enfants
Je réponds à vos questions ;
Je demeurais 41, rue Villiers de l'Isle Adam dans une maison en bois (une maison Tomine) qui avait été construite en trois jours. Maintenant on ne voit plus le bois parce qu'il a été recouvert d'un jetis de ciment. Mais les autres maisons étaient en pierre.
Quand nous sommes arrivés à Rennes, en 1926, j'étais grand comme vous. Il n'y avait que des champs. L'église Sainte Thérèse n'était pas construite. Il n'y avait pas d'immeubles. Rien que des champs et des prairies. Comme de l'autre côté de la rocade.
J'allais à l'école Quineleu.
Dans notre classe, il y avait beaucoup d'enfants: une cinquantaine. Dans la classe nous étions 55 garçons dont 54 fils de cheminots et un fils de menuisier.
Nous achetions à manger dans une petite épicerie, au coin de la rue Adolphe Leray et de la rue Montaigne. Et aussi à l'économat des chemins de fer. Le samedi ma mère prenait un bus au bout du boulevard Jacques Cartier pour aller et revenir du marché. Au sud de la gare, il n'y avait que cette ligne de bus.
J'allais chercher le lait dans une ferme que vous pouvez voir encore près de l'extrémité de la rue Adolphe Leray, à droite. Elle est en terre. On jouait aux cow-boys et aux indiens le long du mur en terre des Ecotais.
Le petit train de Chatillon ne passait pas loin de votre école. Il n'y avait pas beaucoup de voitures. On charruait la terre avec des chevaux. C'était aussi des chevaux qui tiraient les péniches sur la Vilaine.
Ma mère faisait beaucoup de route pour aller laver son linge dans un bateau-lavoir sur la Vilaine, boulevard Laennec.
Le laitier ne passait pas le matin. Mais le boulanger. Les vélos étaient comme ceux d'aujourd'hui. Il n'y avait pas de bi-cross. On grimpait beaucoup aux arbres. Et on ramassait de l'herbe pour donner à manger à nos lapins. Nous élevions des canards qui allaient quelquefois dans la rue. Mais ce n'était pas dangereux pour eux.
Il y avait beaucoup de mûres sur les ronces des talus. Nous en faisions des confitures.
Entre la rocade et le bout de la rue Fréron, il n'y avait pas de maisons.
A votre service pour d'autres renseignements.
Paul

Cette lettre de Paul est datée de février 90 : elle est donc de 10 ans antérieure à la publication de son livre "Sud gare" qui était cependant peut-être déjà en germe...
Avec une classe de CE1 j'avais fait toute une série de sorties dans différents lieux aux alentour de l'école Léon Grimault et je leur avait proposé d'écrire à Paul qui avait vécu sa jeunesse dans ce quartier.
Au moment de la sortie de son livre il y avait eu une rencontre des anciens élèves de l'école de Quineleu à laquelle je m'étais rendue. Il prenait grand plaisir à évoquer ces souvenirs avec l'oeil allumé d'un petit air gamin. Cette école reste très marquée par la proximité de la gare et le grand nombre de cheminots qui  habitaient ce quartier. J'avais été très intéressée par ce livre de Paul car j'habitais aussi ce quartier et que par ailleurs je suis petite fille de 2 grand-père cheminots! 
Pascale Bourgeois, 26 janvier 2009